Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/330

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MÉLISSE.

Ma sœur ?Sans me connoître, il me croit l’âme atteinte,
485Que je l’ai vu conduire en ce triste séjour,
Que ma lettre et l’argent sont des effets d’amour ;
Et Lyse, qui l’a vu, m’en dit tant de merveilles,
Qu’elle fait presque entrer l’amour par les oreilles.

CLÉANDRE.

Ah ! si tu savois tout !

MÉLISSE.

Ah ! si tu savois tout !Elle ne laisse rien ;
490Elle en vante l’esprit, la taille, le maintien,
Le visage attrayant et la façon modeste.

CLÉANDRE.

Ah ! que c’est peu de chose au prix de ce qui reste !

MÉLISSE.

Que reste-t-il à dire ? Un courage invaincu ?

CLÉANDRE.

C’est le plus généreux qui jamais ait vécu[1] ;
495C’est le cœur le plus noble, et l’âme la plus haute…

MÉLISSE.

Quoi ? vous voulez, mon frère, ajouter à sa faute,
Percer avec ces traits un cœur qu’il[2] a blessé,
Et vous-même achever ce qu’elle a commencé ?

CLÉANDRE.

Ma sœur, à peine sais-je encore comme il se nomme,
500Et je sais qu’on n’a vu jamais plus honnête homme,
Et que ton frère enfin périroit aujourd’hui,
Si nous avions affaire à tout autre qu’à lui.
Quoique notre partie aye été si secrète

  1. Var. C’est le plus généreux qui ait jamais (a) vécu. (1645)

    (a) Cette transposition est très-vraisemblablement une faute d’impression ; voyez cependant au tome II, p. 188, la note qui se rapporte à la variante du vers 1190.
  2. Les éditions de 1682 et de 1692 donnent seules il ; toutes les autres ont elle.