Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/370

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MÉLISSE.

Qu’à cette lâcheté je puisse consentir[1] !

CLÉANDRE.

1260Bien plus, tu m’aideras à le faire mentir.

MÉLISSE.

Ne le présumez pas, quelque espoir qui vous flatte :
Si vous êtes ingrat, je ne puis être ingrate.

CLÉANDRE.

Tu sembles t’en fâcher ?

MÉLISSE.

Tu sembles t’en fâcher ?Je m’en fâche pour vous[2] :
D’un mot il peut vous perdre, et je crains son courroux.

CLÉANDRE.

1265Il est trop généreux ; et d’ailleurs la querelle,
Dans les termes qu’elle est, n’est pas si criminelle.
Écoute. Nous parlions des dames de Lyon ;
Elles sont assez mal en son opinion :
Il confesse de vrai qu’il a peu vu la ville ;
1270Mais il se l’imagine en beautés fort stérile,
Et ne peut se résoudre à croire qu’en ces lieux
La plus belle ait de quoi captiver de bons yeux[3].
Pour l’honneur du pays j’en nomme trois ou quatre ;
Mais à moins que de voir, il n’en veut rien rabattre ;
1275Et comme il ne le peut étant dans la prison,
J’ai cru par un portrait le mettre à la raison ;
Et sans chercher plus loin ces beautés qu’on admire,
Je ne veux que le tien pour le faire dédire :
Me le dénieras-tu, ma sœur, pour un moment ?

  1. Var. Qu’à cette lâcheté je pusse consentir ! (1645)
  2. Var. Tu t’en fâches, ma sœur ? MÉL. Je m’en fâche pour vous :
    D’un mot il vous peut perdre, et je crains son courroux.
    CLÉAN. Il est trop généreux ; et puis notre querelle. (1645-56)
  3. Var. La plus belle ait de quoi suborner de bons yeux. (1645-56)