Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/449

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Et je n’envierai point votre haute fortune.
125Ainsi notre destin n’aura rien de honteux,
Ainsi notre bonheur n’aura rien de douteux ;
Et nous mépriserons ce foible droit d’aînesse,
Vous, satisfait du trône, et moi de la Princesse.

ANTIOCHUS.

Hélas !

SÉLEUCUS.

Hélas !Recevez-vous l’offre avec déplaisir ?

ANTIOCHUS.

130Pouvez-vous nommer offre une ardeur de choisir[1],
Qui, de la même main qui me cède un empire,
M’arrache un bien plus grand, et le seul où j’aspire ?

SÉLEUCUS.

Rodogune ?

ANTIOCHUS.

Rodogune ?Elle-même ; ils en sont les témoins.

SÉLEUCUS.

Quoi ! l’estimez-vous tant ?

ANTIOCHUS.

Quoi ! l’estimez-vous tant ?Quoi ! l’estimez-vous moins ?

SÉLEUCUS.

135Elle vaut bien un trône, il faut que je le die.

ANTIOCHUS.

Elle vaut à mes yeux tout ce qu’en a l’Asie[2].

SÉLEUCUS.

Vous l’aimez donc, mon frère ?

ANTIOCHUS.

Vous l’aimez donc, mon frère ?Et vous l’aimez aussi :
C’est là tout mon malheur, c’est là tout mon souci.

  1. Var. Vous l’appelez une offre : en effet, c’est choisir ;
    Et cette même main qui me cède un empire. (1647-56)
  2. Var. Elle vaut à mes yeux tous les trônes d’Asie. (1647-56)