Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/450

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J’espérois que l’éclat dont le trône se pare[1]
140Toucheroit vos desirs plus qu’un objet si rare ;
Mais aussi bien qu’à moi son prix vous est connu,
Et dans ce juste choix vous m’avez prévenu.
Ah, déplorable prince !

SÉLEUCUS.

Ah, déplorable prince !Ah ! destin trop contraire !

ANTIOCHUS.

Que ne ferois-je point contre un autre qu’un frère ?

SÉLEUCUS.

145Ô mon cher frère ! ô nom pour un rival trop doux !
Que ne ferois-je point contre un autre que vous !

ANTIOCHUS.

Où nous vas-tu réduire, amitié fraternelle ?

SÉLEUCUS.

Amour, qui doit ici vaincre de vous ou d’elle ?

ANTIOCHUS.

L’amour, l’amour doit vaincre, et la triste amitié
150Ne doit être à tous deux qu’un objet de pitié.
Un grand cœur cède un trône, et le cède avec gloire[2] :
Cet effort de vertu couronne sa mémoire ;
Mais lorsqu’un digne objet a pu nous enflammer,
Qui le cède est un lâche et ne sait pas aimer.
155De tous deux Rodogune a charmé le courage ;
Cessons par trop d’amour de lui faire un outrage :
Elle doit épouser, non pas vous, non pas moi,
Mais de moi, mais de vous, quiconque sera roi.
La couronne entre nous flotte encore incertaine ;
160Mais sans incertitude elle doit être reine.
Cependant, aveuglés dans notre vain projet[3],

  1. Var. J’espérois que l’éclat qui sort d’une couronne
    Vous laisseroit peu voir celui de sa personne. (1647-56)
  2. Voyez ci-après l’Appendice, p. 510.
  3. Var. Cependant, aveuglés dedans notre projet. (1647-56)