Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/480

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Toi, son vivant portrait, que j’adore dans l’âme,
885Cher prince, dont je n’ose en mes plus doux souhaits
Fier encor le nom aux murs de ce palais[1] ?
Je sais quelles seront tes douleurs et tes craintes :
Je vois déjà tes maux, j’entends déjà tes plaintes ;
Mais pardonne aux devoirs qu’exige enfin un roi
890À qui tu dois le jour qu’il a perdu pour moi.
J’aurai mêmes douleurs, j’aurai mêmes alarmes ;
S’il t’en coûte un soupir, j’en verserai des larmes.
Mais, Dieux ! que je me trouble en les voyant tous deux !
Amour, qui me confonds, cache du moins tes feux ;
895Et content de mon cœur dont je te fais le maître,
Dans mes regards surpris garde-toi de paroître[2].


Scène IV.

ANTIOCHUS, SÉLEUCUS, RODOGUNE.
ANTIOCHUS.

Ne vous offensez pas, Princesse, de nous voir
De vos yeux à vous-même expliquer le pouvoir.
Ce n’est pas d’aujourd’hui que nos cœurs en soupirent :
900À vos premiers regards tous deux ils se rendirent ;
Mais un profond respect nous fit taire et brûler,
Et ce même respect nous force de parler.
L’heureux moment approche où votre destinée
Semble être aucunement à la nôtre enchaînée,
905Puisque d’un droit d’aînesse incertain parmi nous
La nôtre attend un sceptre, et la vôtre un époux.
C’est trop d’indignité que notre souveraine
De l’un de ses captifs tienne le nom de reine :

  1. Var. Fier même le nom aux murs de ce palais ? (1647-56)
  2. Var. Dedans mes yeux surpris garde-toi de paroître. (1647-56)