Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/481

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Notre amour s’en offense, et changeant cette loi,
910Remet à notre reine à nous choisir un roi.
Ne vous abaissez plus à suivre la couronne :
Donnez-la, sans souffrir qu’avec elle on vous donne ;
Réglez notre destin, qu’ont mal réglé les Dieux :
Notre seul droit d’aînesse est de plaire à vos yeux ;
915L’ardeur qu’allume en nous une flamme si pure
Préfère votre choix au choix de la nature,
Et vient sacrifier à votre élection
Toute notre espérance et notre ambition.
Prononcez donc, Madame, et faites un monarque :
920Nous céderons sans honte à cette illustre marque ;
Et celui qui perdra votre divin objet
Demeurera du moins votre premier sujet ;
Son amour immortel saura toujours lui dire
Que ce rang près de vous vaut ailleurs un empire ;
925Il y mettra sa gloire, et dans un tel malheur,
L’heur de vous obéir flattera sa douleur.

RODOGUNE.

Princes, je dois beaucoup à cette déférence
De votre ambition et de votre espérance ;
Et j’en recevrois l’offre avec quelque plaisir,
930Si celles de mon rang avoient droit de choisir.
Comme sans leur avis les rois disposent d’elles
Pour affermir leur trône ou finir leurs querelles,
Le destin des États est arbitre du leur,
Et l’ordre des traités règle tout dans leur cœur.
935C’est lui que suit le mien, et non pas la couronne :
J’aimerai l’un de vous, parce qu’il me l’ordonne ;
Du secret révélé j’en prendrai le pouvoir,
Et mon amour pour naître attendra mon devoir.
N’attendez rien de plus, ou votre attente est vaine.
940Le choix que vous m’offrez appartient à la Reine ;
J’entreprendrois sur elle à l’accepter de vous.