Peut-être on vous a tu jusqu’où va son courroux ;
Mais je dois par épreuve assez bien le connoître
Pour fuir l’occasion de le faire renaître.
Que n’en ai-je souffert, et que n’a-t-elle osé ?
Je veux croire avec vous que tout est apaisé ;
Mais craignez avec moi que ce choix ne ranime
Cette haine mourante à quelque nouveau crime :
Pardonnez-moi ce mot qui viole un oubli
Que la paix entre nous doit avoir établi.
Le feu qui semble éteint souvent dort sous la cendre :
Qui l’ose réveiller peut s’en laisser surprendre ;
Et je mériterois qu’il me pût consumer,
Si je lui fournissois de quoi se rallumer.
S’il est en votre main de la rendre impuissante ?
Faites un roi, Madame, et régnez avec lui :
Son courroux désarmé demeure sans appui,
Et toutes ses fureurs sans effet rallumées
Ne pousseront en l’air que de vaines fumées[1].
Mais a-t-elle intérêt au choix que vous ferez,
Pour en craindre les maux que vous vous figurez ?
La couronne est à nous ; et sans lui faire injure,
Sans manquer de respect aux droits de la nature,
Chacun de nous à l’autre en peut céder sa part,
Et rendre à votre choix ce qu’il doit au hasard.
Qu’un si foible scrupule en notre faveur cesse :
Votre inclination vaut bien un droit d’aînesse,
Dont vous seriez traitée avec trop de rigueur,
S’il se trouvoit contraire aux vœux de votre cœur.
On vous applaudiroit quand vous seriez à plaindre ;
Pour vous faire régner ce seroit vous contraindre,
- ↑ Comparez Pompée, acte I, scène ii, vers 221 et 222.