Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/484

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Jugez mieux du beau feu qui brûle l’un et l’autre[1],
1005Et dites hautement à quel prix votre choix
Veut faire l’un de nous le plus heureux des rois.

RODOGUNE.

Prince, le voulez-vous ?

ANTIOCHUS.

Prince, le voulez-vous ?C’est notre unique envie.

RODOGUNE.

Je verrai cette ardeur d’un repentir suivie.

SÉLEUCUS.

Avant ce repentir tous deux nous périrons.

RODOGUNE.

Enfin vous le voulez ?

SÉLEUCUS.

1010Enfin vous le voulez ?Nous vous en conjurons.

RODOGUNE.

Eh bien donc ! il est temps de me faire connoître[2].
J’obéis à mon roi, puisqu’un de vous doit l’être ;
Mais quand j’aurai parlé, si vous vous en plaignez[3],
J’atteste tous les Dieux que vous m’y contraignez,
1015Et que c’est malgré moi qu’à moi-même rendue
J’écoute une chaleur qui m’étoit défendue ;
Qu’un devoir rappelé me rend un souvenir
Que la foi des traités ne doit plus retenir.
Tremblez, princes, tremblez au nom de votre père :
1020Il est mort, et pour moi, par les mains d’une mère.
Je l’avois oublié, sujette à d’autres lois ;
Mais libre, je lui rends enfin ce que je dois.
C’est à vous de choisir mon amour ou ma haine.
J’aime les fils du Roi, je hais ceux de la Reine :

  1. Var. Parlez, et ce beau feu qui brûle l’un et l’autre
    D’une si prompte ardeur suivra votre desir,
    Que vous-même en perdrez le pouvoir de choisir. (1647-56)
  2. Voyez ci-après l’Appendice, p. 510.
  3. Var. Mais ayant su mon choix, si vous vous en plaignez. (1647-56)