Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/488

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Et si tantôt leur haine eût attendu nos larmes,
1100Leur haine à nos douleurs auroit rendu les armes.

SÉLEUCUS.

Pleurez donc à leurs yeux, gémissez, soupirez,
Et je craindrai pour vous ce que vous espérez.
Quoi qu’en votre faveur vos pleurs obtiennent d’elles,
Il vous faudra parer leurs haines mutuelles ;
1105Sauver l’une de l’autre ; et peut-être leurs coups,
Vous trouvant au milieu, ne perceront que vous :
C’est ce qu’il faut pleurer. Ni maîtresse ni mère
N’ont plus de choix ici ni de lois à nous faire[1] :
Quoi que leur rage exige ou de vous ou de moi,
1110Rodogune est à vous, puisque je vous fais roi.
Épargnez vos soupirs près de l’une et de l’autre[2].
J’ai trouvé mon bonheur, saisissez-vous du vôtre :
Je n’en suis point jaloux ; et ma triste amitié
Ne le verra jamais que d’un œil de pitié.


Scène VI.

ANTIOCHUS.

1115Que je serois heureux si je n’aimois un frère !
Lorsqu’il ne veut pas voir le mal qu’il se veut faire,
Mon amitié s’oppose à son aveuglement :
Elle agira pour vous, mon frère, également,
Elle n’abusera point de cette violence
1120Que l’indignation fait à votre espérance.
La pesanteur du coup souvent nous étourdit :
On le croit repoussé quand il s’approfondit ;

  1. Var. Si je ne prétends plus, n’ont plus de choix à faire :
    Je leur ôte le droit de vous faire la loi. (1647-56)
  2. Var. Épargnez vos soupirs auprès de l’une et l’autre, (1647-56)