Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/51

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PTOLOMÉE.

Au sortir de Pharsale est-ce ainsi qu’on le nomme ?

CLÉOPATRE.

Fût-il dans son malheur de tous abandonné,
Il est toujours Pompée, et vous a couronné.

PTOLOMÉE.

Il n’en est plus que l’ombre, et couronna mon père,
250Dont l’ombre et non pas moi lui doit ce qu’il espère.
Il peut aller, s’il veut, dessus son monument[1]
Recevoir ses devoirs et son remercîment.

CLÉOPATRE.

Après un tel bienfait, c’est ainsi qu’on le traite !

PTOLOMÉE.

Je m’en souviens, ma sœur, et je vois sa défaite.

CLÉOPATRE.

255Vous la voyez de vrai, mais d’un œil de mépris.

PTOLOMÉE.

Le temps de chaque chose ordonne et fait le prix.
Vous qui l’estimez tant, allez lui rendre hommage ;
Mais songez qu’au port même il peut faire naufrage.

CLÉOPATRE.

Il peut faire naufrage, et même dans le port !
260Quoi ? vous auriez osé lui préparer la mort !

PTOLOMÉE.

J’ai fait ce que les Dieux m’ont inspiré de faire,
Et que pour mon État j’ai jugé nécessaire.

CLÉOPATRE.

Je ne le vois que trop, Photin et ses pareils
Vous ont empoisonné de leurs lâches conseils :
265Ces âmes que le ciel ne forma que de boue…

PHOTIN.

Ce sont de nos conseils, oui, Madame, et j’avoue…

  1. Var. S’il veut, il peut aller dessus son monument. (1644-56)