Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/514

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Ô frère, plus aimé que la clarté du jour,
Ô rival, aussi cher que m’étoit mon amour,
1655Je te perds, et je trouve en ma douleur extrême[1]
Un malheur dans ta mort plus grand que ta mort même.
Oh ! de ses derniers mots fatale obscurité !
En quel gouffre d’horreurs m’as-tu précipité ?
Quand j’y pense chercher la main qui l’assassine,
1660Je m’impute à forfait tout ce que j’imagine ;
Mais aux marques enfin que tu m’en viens donner,
Fatale obscurité, qui dois-je en soupçonner ?
« Une main qui nous fut bien chère ! »
Madame, est-ce la vôtre, ou celle de ma mère ?
1665Vous vouliez toutes deux un coup trop inhumain ;
Nous vous avons tous deux refusé notre main :
Qui de vous s’est vengée ? est-ce l’une, est-ce l’autre,
Qui fait agir la sienne au refus de la nôtre ?
Est-ce vous qu’en coupable il me faut regarder ?
1670Est-ce vous désormais dont je me dois garder ?

CLÉOPATRE.

Quoi ? vous me soupçonnez ?

RODOGUNE.

Quoi ? vous me soupçonnez ?Quoi ? je vous suis suspecte ?

ANTIOCHUS.

Je suis amant et fils, je vous aime et respecte ;
Mais quoi que sur mon cœur puissent des noms si doux,
À ces marques enfin je ne connois que vous.
1675As-tu bien entendu ? dis-tu vrai, Timagène ?

TIMAGÈNE.

Avant qu’en soupçonner la Princesse ou la Reine[2],
Je mourrois mille fois ; mais enfin mon récit
Contient, sans rien de plus, ce que le Prince a dit[3].

  1. Var. Je te perds, mais je trouve en ma douleur extrême. (1652-56)
  2. Var. Avant qu’en soupçonner ou Madame ou la Reine. (1647-56)
  3. Var. Contient, Seigneur, sans plus, ce que le Prince a dit. (1647-56)