Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/64

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L’éloignent de la rive, et regagnent la mer[1].
545Mais sa fuite est mal sûre ; et l’infâme Septime,
Qui se voit dérober la moitié de son crime,
Afin de l’achever, prend six vaisseaux au port,
Et poursuit sur les eaux Pompée après sa mort.
Cependant Achillas porte au Roi sa conquête :
550Tout le peuple tremblant en détourne la tête ;
Un effroi général offre à l’un sous ses pas
Des abîmes ouverts pour venger ce trépas ;
L’autre entend le tonnerre, et chacun se figure[2]
Un désordre soudain de toute la nature :
555Tant l’excès du forfait, troublant leurs jugements,
Présente à leur terreur l’excès des châtiments !
Philippe, d’autre part, montrant sur le rivage
Dans une âme servile un généreux courage,
Examine d’un œil et d’un soin curieux
560Où les vagues rendront ce dépôt précieux,
Pour lui rendre, s’il peut, ce qu’aux morts on doit rendre,
Dans quelque urne chétive en ramasser la cendre,
Et d’un peu de poussière élever un tombeau
À celui qui du monde eut le sort le plus beau.
565Mais comme vers l’Afrique on poursuit Cornélie,
On voit d’ailleurs César venir de Thessalie :
Une flotte paroît qu’on a peine à compter…

CLÉOPATRE.

C’est lui-même, Achorée, il n’en faut point douter.
Tremblez, tremblez, méchants, voici venir la foudre ;
570Cléopatre a de quoi vous mettre tous en poudre :
César vient, elle est reine, et Pompée est vengé ;
La tyrannie est bas, et le sort a changé[3].
Admirons cependant le destin des grands hommes,

  1. Var. L’éloignent du rivage, et regagnent la mer. (1644-56)
  2. Var. L’autre entend le tonnerre, et l’autre se figure. (1644 et 48)
  3. Var. La tyrannie est bas, et le sort est changé. (1644-64)