Et que s’il m’eût vaincu, votre esprit complaisant[1]
Lui faisoit de ma tête un semblable présent ?
Grâces à ma victoire, on me rend des hommages
Où ma fuite eût reçu toutes sortes d’outrages ;
Au vainqueur, non à moi, vous faites tout l’honneur :
Si César en jouit, ce n’est que par bonheur.
Amitié dangereuse, et redoutable zèle,
Que règle la fortune, et qui tourne avec elle[2] !
Mais parlez, c’est trop être interdit et confus.
Je le suis, il est vrai, si jamais je le fus ;
Et vous-même avouerez que j’ai sujet de l’être.
Étant né souverain, je vois ici mon maître :
Ici, dis-je, où ma cour tremble en me regardant,
Où je n’ai point encore agi qu’en commandant,
Je vois une autre cour sous une autre puissance,
Et ne puis plus agir qu’avec obéissance.
De votre seul aspect je me suis vu surpris :
Jugez si vos discours rassurent mes esprits[3] ;
Jugez par quels moyens je puis sortir d’un trouble
Que forme le respect, que la crainte redouble,
Et ce que vous peut dire un prince épouvanté
De voir tant de colère et tant de majesté.
Dans ces étonnements dont mon âme est frappée,
De rencontrer en vous le vengeur de Pompée,
Il me souvient pourtant que s’il fut notre appui,
Nous vous dûmes dès lors autant et plus qu’à lui.
Votre faveur pour nous éclata la première,
Tout ce qu’il fit après fut à votre prière :