Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/78

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il émut le sénat pour des rois outragés,
Que sans cette prière il auroit négligés ;
Mais de ce grand sénat les saintes ordonnances
Eussent peu fait pour nous, Seigneur, sans vos finances[1] ;
875Par là de nos mutins le feu Roi vint à bout ;
Et pour en bien parler, nous vous devons le tout.
Nous avons honoré votre ami, votre gendre,
Jusqu’à ce qu’à vous-même il ait osé se prendre ;
Mais voyant son pouvoir, de vos succès jaloux,
880Passer en tyrannie, et s’armer contre vous…

CÉSAR.

Tout beau : que votre haine en son sang assouvie
N’aille point à sa gloire ; il suffit de sa vie.
N’avancez rien ici que Rome ose nier ;
Et justifiez-vous sans le calomnier[2].

PTOLOMÉE.

885Je laisse donc aux Dieux à juger ses pensées,
Et dirai seulement qu’en vos guerres passées,
Où vous fûtes forcé par tant d’indignités,
Tous nos vœux ont été pour vos prospérités[3] ;
Que comme il vous traitoit en mortel adversaire,
890J’ai cru sa mort pour vous un malheur nécessaire ;
Et que sa haine injuste, augmentant tous les jours,
Jusque dans les enfers chercheroit du secours ;
Ou qu’enfin, s’il tomboit dessous votre puissance,
Il nous falloit pour vous craindre votre clémence,
895Et que le sentiment d’un cœur trop généreux,
Usant mal de vos droits, vous rendît malheureux.
J’ai donc considéré qu’en ce péril extrême

  1. Voyez plus haut, p. 32, note.
  2. Var. Et justifiez-vous sans la calomnier. (1648-56)
  3. Toutes les éditions, excepté celles de 1644 et de 1655, donnent : « par vos prospérités ; » nous avons néanmoins adopté la leçon pour, qui nous paraît seule offrir un sens.