Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/232

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Tremble dans ton amour, tremble dans ta fureur.
Je te veux toujours voir, quoi que ta rage fasse,
Craindre ton ennemi dedans ta propre race,
Toujours aimer ton fils dedans ton ennemi,
Sans être ni tyran, ni père qu’à demi.
Tandis qu’autour des deux tu perdras ton étude,
Mon âme jouira de ton inquiétude,
Je rirai de ta peine, ou, si tu m’en punis,
Tu perdras avec moi le secret de ton fils.

Phocas

Et si je les punis tous deux sans les connaître,
L’un comme Héraclius, l’autre pour vouloir l’être ?

Léontine

Je m’en consolerai quand je verrai Phocas
Croire affermir son sceptre en se coupant le bras
Et de la même main son ordre tyrannique
Venger Héraclius dessus son fils unique.

Phocas

Quelle reconnaissance, ingrate, tu me rends
Des bienfaits répandus sur toi, sur tes parents,
De t’avoir confié ce fils que tu me caches,
D’avoir mis en tes mains ce cœur que tu m’arraches,
D’avoir mis à tes pieds ma cour qui t’adorait !
Rends-moi mon fils ingrate.

Léontine

Il m’en désavouerait,
Et ce fils, quel qu’il soit, que tu ne peux connaître,
A le cœur assez bon pour ne vouloir pas l’être.
Admire sa vertu qui trouble ton repos.
C’est du fils du tyran que j’ai fait ce héros,
Tant ce qu’il a reçu d’heureuse nourriture,
Dompte ce mauvais sang qu’il eut de la nature !