Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/440

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Jusqu’à souffrir ma flamme et me faire espérer,
J’oserai me promettre un sort assez propice
De cet aveu d’un frère et quatre ans de service ;
Et sur ce doux espoir dussai-je me trahir,
Puisque vous le voulez, je jure d’obéir.

DONA ISABELLE

C’est comme il faut m’aimer. Et Dom Alvar de Lune ?

DOM ALVAR

Je ne vous ferai point de harangue importune.
Choisissez hors des trois, tranchez absolument :
Je jure d’obéir, madame, aveuglément.

DONA ISABELLE

Sous les profonds respects de cette déférence
Vous nous cachez peut-être un peu d’indifférence ;
Et comme votre cœur n’est pas sans autre amour,
Vous savez des deux parts faire bien votre cour.

DOM ALVAR

Madame…

DONA ISABELLE

C’est assez ; que chacun prenne place.
Ici les trois reines prennent chacune un fauteuil, et après que les trois comtes et le reste des grands qui sont présents se sont assis sur des bancs préparés exprès, Carlos, y voyant une place vide, s’y veut seoir, et Dom Manrique l’en empêche.

DOM MANRIQUE

Tout beau, tout beau, Carlos ! D’où vous vient cette audace ?
Et quel titre en ce rang a pu vous établir ?

CARLOS

J’ai vu la place vide, et cru la bien remplir.

DOM MANRIQUE

Un soldat bien remplir une place de comte !