Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/449

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DONA ISABELLE

Blanche, as-tu rien connu d’égal à ma misère ?
Tu vois tous mes désirs condamnés à se taire,
Mon cœur faire un beau choix sans l’oser accepter,
Et nourrir un beau feu sans l’oser écouter.
Vois par là ce que c’est, Blanche, que d’être reine :
Comptable de moi-même au nom de souveraine,
Et sujette à jamais du trône où je me vois,
Je puis tout pour tout autre et ne puis rien pour moi.
Ô sceptres ! S’il est vrai que tout vous soit possible,
Pourquoi ne pouvez-vous rendre un cœur insensible ?
Pourquoi permettez-vous qu’il soit d’autres appas,
Ou que l’on ait des yeux pour ne les croire pas ?

BLANCHE

Je présumais tantôt que vous les alliez croire :
J’en ai plus d’une fois tremblé pour votre gloire.
Ce qu’à vos trois amants vous avez fait jurer
Au choix de Dom Carlos semblait tout préparer :
Je le nommais pour vous. Mais enfin par l’issue
Ma crainte s’est trouvée heureusement déçue ;
L’effort de votre amour a su se modérer ;