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NOTICE.

la pièce, car Thomas lui écrit en post-scriptum au bas d’une lettre du 4 avril : « Mon frère vous assure de ses services et a donné charge à M. Courbé de vous donner son Œdipe. »

C’est dans l’Œdipe qu’on a cherché des autorités et des exemples pour établir que le grand Corneille écrivait en style précieux. Dans son Grand Dictionnaire des Précieuses, historique, poétique, géographique…, publié en 1661, et dont le privilège est du 15 février, Somaize introduit deux précieuses, Emilie et Léosthène, c’est-à-dire Mlles Espagny et Lanquets, à peu près aussi inconnues sous leur nom réel que sous leur nom imaginaire, qui défendent leur langage contre Félix, pseudonyme d’un M. Foucaut, sur lequel on n’a guère de renseignements non plus, mais qui, d’après les recherches de M. Livet, paraît avoir été conseiller au Parlement[1]. Le seul procédé des deux précieuses pour amener leur adversaire à partager leur avis est de prouver que Cléocrite l’aîné[2], c’est-à-dire Pierre Corneille, emploie continuellement leur langage dans son Œdipe, qu’elles intitulent le Criminel innocent. Ce morceau, fort médiocre, se rattache trop étroitement à l’étude de la langue de Corneille pour qu’on s’étonne de nous le voir reproduire à la suite de cette notice.

D’Aubignac n’avait garde d’oublier aucun des reproches adressés à Corneille ; dans sa troisième dissertation, publiée en 1663, il ne parle pas, il est vrai, de la critique de Somaize ; mais, sans le citer, il met à profit une de ses observations[3], et à l’occasion de ce vers :

Contre une ombre chérie avec tant de fureur[4],

il s’écrie : « Voilà bien aimer à la mode des précieuses, furieusement. Est-il possible que M. Corneille renonce maintenant aux expressions nobles, et qu’il s’abandonne par négli-

  1. Le Dictionnaire des Précieuses, tome II, p. 234.
  2. Cléocrite n’est pas le seul surnom romanesque qu’ait reçu Corneille ; on lui a donné aussi celui de Clitandre, qu’il avait choisi lui-même pour titre de sa seconde pièce. Dans sa Carte de la cour, Gabriel Guéret recommande de « visiter la ville de Comédie où règne l’illustre Clitandre. »
  3. Voyez ci-après, p. 116.
  4. Acte I, scène i, vers 56, p. 116.