Et selon ma pensée, nous ne faillons pas quand nous disons, pour dire elle s’est mariée : elle a donné dans l’amour permis, puisqu’il ne fait pas de difficulté de dire : imprimer un penchant sur une naissance, ou : être incliné par l’astre qui préside à sa naissance. Mais voyez encore par ce qui suit qu’il nous imite ou que nous suivons de bien près ses sentiments, puisqu’après avoir mis : C’est d’amour qu’il gémit[1], etc., il ajoute plus bas dans le même sens :
De mes plus chers désirs ce partisan sincère[2].
Par cette phrase, il entend l’amour, comme nous faisons quand nous disons, pour appeler un laquais, un nécessaire ; l’amour, le partisan des désirs. » Émilie, qui ne vouloit pas que Léosthène eût toute la gloire de cette conversation, prit alors la parole et dit qu’elle ne trouvoit pas cette façon de parler moins nouvelle ni moins belle que les autres : transmettre son sang, pour dire : faire des enfants. « C’est ce que Cléocrite fait quand il dit :
Et s’il faut, après tout, qu’un grand crime s’efface
Par le sang que Laïus a transmis à sa race[3],
pour dire : par les enfants de Laïus. Plus bas, ajouta la même, nous trouvons encore un exemple de la raison qu’il y a de se servir en vers et en prose de ces grandes et hardies expressions, quelque étranges qu’elles paroissent :
De la nécessité d’aimer et de punir[4],
pour dire : Ôtez-moi la nécessité d’aimer et de punir ; et néanmoins ne m’avouerez-vous pas que, sans cette hardie façon de parler, il n’eût jamais achevé ce premier vers : Osez me désunir ? » — « Pour moi, dit Léosthène, je ne me suis point étonnée de voir Cléocrite s’énoncer par des paroles semblables à celles qui nous sont ordinaires ; mais celles-ci m’ont donné de la surprise :
Et leur antipathie inspire à leur colère
Des préludes secrets de ce qu’il vous faut faire[5].
Ce n’est pas que par ces mois de préludes secrets, etc., je ne présume qu’il entende quelque chose de fort énergique, et que je ne sache par