J’y dois avoir sucé[1] fort peu de votre sang.
Celui du grand Laïus, dont je m’y suis formée,
Trouve bien qu’il est doux d’aimer et d’être aimée ;
Mais il ne peut trouver qu’on soit digne du jour
Quand aux soins de sa gloire on préfère l’amour.
Je sais sur les grands cœurs ce qu’il se fait d’empire :
J’avoue, et hautement, que le mien en soupire ;
Mais quoi qu’un si beau choix puisse avoir de douceurs,
Je garde un autre exemple aux princesses mes sœurs.
Si vous ne savez pas même ce que vous faites,
Le chagrin inquiet du trouble où je vous vois
Vous peut faire oublier que vous parlez à moi ;
Mais quittez ces dehors d’une vertu sévère,
Et souvenez-vous mieux que je suis votre mère.
Ce chagrin inquiet, pour se justifier,
N’a qu’à prendre chez vous l’exemple d’oublier.
Quand vous mîtes le sceptre en une autre famille,
Vous souvint-il assez que j’étois votre fille ?
Vous n’étiez qu’un enfant.
Et sentois dans mon cœur le sang de mes aïeux ;
C’étoit ce même sang dont vous m’avez fait naître
Qui s’indignoit dès lors qu’on lui donnât un maître,
Et que vers soi Laïus aime mieux rappeler
Que de voir qu’à vos yeux on l’ose ravaler.
Il oppose ma mort à l’indigne hyménée
- ↑ L’orthographe de ce mot est succé dans toutes les editions anciennes, y compris celle de 1692.