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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/195

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ACTE III, SCÈNE V.
Jocaste.

Mais cette amitié cède à l’amour de Dircé ?

Thésée.

Hélas ! Cette princesse à mes désirs si chère
En un fidèle amant trouve un malheureux frère,
Qui mourroit de douleur d’avoir changé de sort,
1080N’étoit le prompt secours d’une plus digne mort,
Et qu’assez tôt connu pour mourir au lieu d’elle
Ce frère malheureux meurt en amant fidèle.

Jocaste.

Quoi ? vous seriez mon fils[1] ?

Thésée.

Quoi ? Vous seriez mon fils ?Et celui de Laïus.

Jocaste.

Qui vous a pu le dire ?

Thésée.

Qui vous a pu le dire ?Un témoin qui n’est plus,
1085Phædime, qu’à mes yeux vient de ravir la peste :
Non qu’il m’en ait donné la preuve manifeste ;
Mais Phorbas, ce vieillard qui m’exposa jadis,
Répondra mieux que lui de ce que je vous dis,
Et vous éclaircira touchant une aventure
1090Dont je n’ai pu tirer qu’une lumière obscure.
Ce peu qu’en ont pour moi les soupirs d’un mourant
Du grand droit de régner serait mauvais garant.
Mais ne permettez pas que le Roi me soupçonne,
Comme si ma naissance ébranlait sa couronne ;
1095Quelque honneur, quelques droits qu’elle ait pu m’acquérir,
Je ne viens disputer que celui de mourir.

Jocaste.

Je ne sais si Phorbas avouera votre histoire ;
Mais qu’il l’avoue ou non, j’aurai peine à vous croire.

  1. Var. Quoi ? vous êtes mon fils ? (1659)