Aller au contenu

Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/220

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
206
ŒDIPE.

Il vous gardait encore une amitié fort tendre ;
Mais le compte qu’aux Dieux la mort force de rendre
A porté dans son cœur un si pressant effroi,
1700Qu’il a remis Corinthe aux mains de son vrai roi.

Œdipe.

Je ne suis point son fils ! Et qui suis-je, Iphicrate ?

Iphicrate.

Un enfant exposé, dont le mérite éclate,
Et de qui par pitié j’ai dérobé les jours
Aux ongles des lions, aux griffes des vautours.

Œdipe.

1705Et qui m’a fait passer pour le fils de ce prince ?

Iphicrate.

Le manque d’héritiers ébranloit sa province.
Les trois que lui donna le conjugal amour
Perdirent en naissant la lumière du jour ;
Et la mort du dernier me fit prendre l’audace
1710De vous offrir au Roi, qui vous mit en sa place.
Ce que l’on se promit de ce fils supposé
Réunit sous ses lois son État divisé ;
Mais comme cet abus finit avec sa vie,
Sa mort de mon supplice auroit été suivie,
1715S’il n’eût donné cet ordre à son dernier moment[1],
Qu’un juste et prompt exil fût mon seul châtiment.

Œdipe.

Ce revers seroit dur pour quelque âme commune ;
Mais je me fis toujours maître de ma fortune ;
Et puisqu’elle a repris l’avantage du sang,
1720Je ne dois plus qu’à moi tout ce que j’eus de rang.
Mais n’as-tu point appris de qui j’ai reçu l’être ?

Iphicrate.

Seigneur, je ne puis seul vous le faire connoître.

  1. Var. S’il n’avoit ordonné dans son dernier moment. (1659)