Aller au contenu

Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/390

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
376
SERTORIUS.

Unissons ma vengeance à votre politique
Pour sauver des abois toute la République :290
L’Hymen seul peut unir des intérêts si grands.
Je sais que c’est beaucoup que ce que je prétends ;
Mais dans ce dur exil que mon tyran m’impose,
Le rebut de Pompée est encore quelque chose ;
Et j’ai des sentiments trop nobles ou trop vains295
Pour le porter ailleurs qu’au plus grand des Romains.

Sertorius

Ce nom ne m’es pas dû, je suis…

Aristie

Ce nom ne m’es pas dû, je suis…Ce que vous faites
Montre à tout l’Univers, Seigneur, ce que vous êtes ;
Mais quand même ce nom semblerait trop pour vous,
Du moins mon infidèle est un rang au-dessous :300
Il sert dans son parti, vous commandez au vôtre ;
Vous êtes chef de l’un, et lui sujet dans l’autre[1] ;
Et son divorce enfin qui m’arrache sa foi,
L’y laisse par Sylla plus opprimé que moi,
Si votre Hymen s’élève à la grandeur sublime,305
Tandis qu’en l’esclavage un autre hymen l’abîme.
Mais, Seigneur, je m’emporte, et l’excès d’un tel heur
Me fait vous en parler avec trop de chaleur.
Tout mon bien est encor dedans l’incertitude :
Je n’en conçois l’espoir qu’avec inquiétude ;310
Et je craindrai toujours d’avoir trop prétendu,
Tant que de cet espoir vous m’ayez répondu.
Vous me pouvez d’un mot assurez, ou confondre.

Sertorius

Mais, Madame, après tout, que puis-je vous répondre ?
De quoi vous assurer, si vous-même parlez315
Sans être sûre encore de ce que vous voulez !

  1. Var. Vous êtes chef de l’un, il est sujet dans l’autre. (1666)