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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/391

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ACTE I, SCÈNE III.

De votre illustre Hymen je sais les avantages ;
J’adore les grands noms que j’en ai pour otages,
Et vois que leur secours, nous rehaussant le bras,
Auroit bientôt jeté la tyrannie à bas ;320
Mais cette attente aussi pourroit se voir trompée
Dans l’offre d’une main qui se garde à Pompée,
Et qui n’étale ici la grandeur d’un tel bien,
Que pour me tout promettre, et ne me donner rien.

Aristie

Si vous vouliez ma main par choix de ma personne,325
Je vous dirai, Seigneur : « Prenez, je vous la donne ;
Quoique veuille Pompée, il le voudra trop tard. »
Mais comme en cet hymen l’amour n’a point de part,
Qu’il n’est qu’un pur effet de noble politique,
Souffrez que je vous die[1], afin que je m’explique,330
Que quand j’aurois pour dot un million de bras,
Je vous donne encore plus, en ne l’achevant pas.
Si je réduis Pompée à chasser Émilie,
Peut-il, Sylla régnant, regarder l’Italie ?
Ira-t-il se livre à son juste courroux ?335
Non, non, si je le gagne, il faut qu’il vienne à vous.
Ainsi par mon Hymen vous avez assurance[2]
Que mille vrais Romains prendront votre défense ;
Mais si j’en romps l’accord pour lui rendre mes vœux,
Vous aurez ces Romains, et Pompée avec eux.340
Vous aurez ses amis par ce nouveau divorce ;
Vous aurez du tyran la principale force,
Son armée, ou du moins ses plus braves soldats,
Qui de leur général voudront suivre les pas ;
Vous marcherez vers Rome à communes enseignes.345
Il sera temps alors, Sylla, que tu me craignes.

  1. Thomas Corneille (1692) et Voltaire (1764) ont remplacé die par dise.
  2. Var. Ainsi par mon hymen vous aurez assurance. (1662)