N’y rend pas de l’honneur tous les droits amortis.
Comme le vrai mérite a ses prérogatives,
Qui prennent le dessus des haines les plus vives,
L’estime et le respect sont de justes tributs
Qu’aux plus fiers ennemis arrachent les vertus ;
Et c’est ce que vient rendre à la haute vaillance,
Dont je ne fais ici que trop d’expérience,
L’ardeur de voir de près un si fameux héros,
Sans lui voir en la main piques ni javelots,
Et le front désarmé de ce regard terrible
Qui dans nos escadrons guide un bras invincible.
Je suis jeune et guerrier, et tant de fois vainqueur,
Que mon trop de fortune a pu m’enfler le cœur ;
Mais (et ce franc aveu sied bien aux grands courages)
J’apprends plus contre vous par mes désavantages,
Que les plus beaux succès qu’ailleurs j’aye emportés,
Ne m’ont encore appris par mes prospérités.
Je vois ce qu’il faut faire, à voir ce que vous faites :
Les siéges, les assauts, les savantes retraites,
Bien camper, bien choisir à chacun son emploi,
Votre exemple est partout une étude pour moi.
Ah ! Si je vous pouvois rendre à la République,
Que je croirois lui faire un présent magnifique !
Et que j’irois, Seigneur, à Rome avec plaisir,
Puisque la trêve enfin m’en donne le loisir,
Si j’y pouvais porter quelque faible espérance
D’y conclure un accord d’une telle importance !
Près de l’heureux Sylla ne puis-je rien pour vous ?
Et près de vous, Seigneur, ne puis-je rien pour tous ?
Vous me pourriez sans doute épargner quelque peine,
Si vous vouliez avoir l’âme toute romaine[1] ;
- ↑ Ce vers, par une erreur d’impression, manque dans l’edition de 1682.