Pour moi, si quelque jour je suis ce que vous êtes,
J’en userai peut-être alors comme vous faites :
Jusque-là…
Et me faire un peu moins ressembler à Sylla.
Si je commande ici, le sénat me l’ordonne ;
Mes ordres n’ont encore assassiné personne.
Je n’ai pour ennemis que ceux du bien commun ;
Je leur fais bonne guerre, et n’en proscris pas un.
C’est un asile ouvert que mon pouvoir suprême ;
Et si l’on m’obéit, ce n’est qu’autant qu’on m’aime.
Et votre empire en est d’autant plus dangereux,
Qu’il rend de vos vertus les peuples amoureux,
Qu’en assujettissant vous avez l’art de plaire,
Qu’on croit n’être en vos fers qu’esclave volontaire,
Et que la liberté trouvera peu de jour
À détruire un pouvoir que fait régner l’amour.
Ainsi parlent, Seigneur, les âmes soupçonneuses ;
Mais n’examinons point ces questions fâcheuses,
Ni si c’est un sénat qu’un amas de bannis
Que cet asile ouvert sous vous a réunis[1].
Une seconde fois, n’est-il aucune voie
Par où je puisse à Rome emporter quelque joie ?
Elle seroit extrême à trouver les moyens
De rendre un si grand homme à ses concitoyens.
Il est doux de revoir les murs de la patrie :
- ↑ « Il (Sertorius) appelloit les bannis qui s’estoyent sauuez de Rome et retirez deuers luy, senateurs, et les tenant riere soy*, les nommoit le senat, et en faisoit les vns questeurs, les autres præteurs, ordonnant toutes choses selon les coustumes et à la guise de son païs. » (Plutarque, Vie de Sertorius, chapitre xxii, traduction d’Amyot.)
*. Derrière soi, à sa suite.