Moi qui commande ailleurs, puis-je servir sous vous ?
Du droit de commander je ne suis point jaloux ;
Je ne l’ai qu’en dépôt, et je vous l’abandonne,
Non jusqu’à vous servir de ma seule personne :
Je prétends un peu plus ; mais dans cette union
De votre lieutenant m’envieriez-vous le nom ?
De pareils lieutenants n’ont des chefs qu’en idée :
Leur nom retient pour eux l’autorité cédée ;
Il n’en quittent que l’ombre ; et l’on ne sait que c’est
De suivre ou d’obéir que suivant qu’il leur plaît[1].
Je sais une autre voie, et plus noble et plus sûre.
Sylla, si vous voulez, quitte sa dictature ;
Et déjà de lui-même il s’en serait démis,
S’il voyoit qu’en ces lieux il n’eût plus d’ennemis[2].
Mettez les armes bas, je réponds de l’issue :
J’en donne ma parole après l’avoir reçue.
Si vous êtes Romain, prenez l’occasion.
Je ne m’éblouis point de cette illusion.
Je connois le tyran, j’en vois le stratagème :
Quoi qu’il semble promettre, il est toujours lui-même.
Vous qu’à sa défiance il a sacrifié,
Jusques à vous forcer d’être son allié…
Hélas ! Ce mot me tue, et je le dis sans feinte,
C’est l’unique sujet qu’il m’a donné de plainte.
J’aimois mon Aristie, il m’en vient d’arracher ;
Mon cœur frémit encore à me le reprocher ;
Vers tant de biens perdus sans cesse il me rappelle ;