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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/422

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SERTORIUS.

Ou souffrez qu’on me venge et de vous et de lui ;
Qu’un autre hymen me rende un titre qui l’égale ;
Qu’il me relève autant que Sylla me ravale :1070
Non que je puisse aimer aucun autre que vous ;
Mais pour venger ma gloire il me faut un époux :
Il m’en faut un illustre, et dont la renommée…[1]

Pompée.

Ah ! Ne vous lassez point d’aimer et d’être aimée.
Peut-être touchons-nous au moment désiré1075
Qui saura réunir ce qu’on a séparé.
Ayez plus de courage et moins d’impatience :
Souffrez que Sylla meure, ou quitte sa puissance…

Aristie.

J’attendrai de sa mort ou de son repentir
Qu’à me rendre l’honneur vous daigniez consentir ?1080
Et je verrai toujours votre cœur plein de glace,
Mon tyran impuni, ma rivale en ma place,
Jusqu’à ce qu’il renonce au pouvoir absolu,
Après l’avoir gardé tant qu’il l’aura voulu ?

Pompée.

Mais tant qu’il pourra tout, que pourrai-je, Madame ?1085

Aristie.

Suivre en tous lieux, Seigneur, l’exil de votre femme,
La ramener chez vous avec vos légions,
Et rendre un heureux calme à nos divisions.
Que ne pourrez-vous point en tête d’une armée,
Partout, hors de l’Espagne, à vaincre accoutumée ?1090
Et quand Sertorius sera joint avec vous,
Que pourra le tyran ? Qu’osera son courroux ?

Pompée.

Ce n’est pas s’affranchir qu’un moment le paroître,
Ni secouer le joug que de changer de maître.

  1. L’édition de 1682 porte, probablement par erreur : « et pour la renommée… »