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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/424

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SERTORIUS.
Pompée.

La vôtre, à la garder, coûtera bien des têtes[1].
Comme elle fermera la porte à tout accord,
Rien ne la peut jamais assurer que ma mort[2].
Oui, j’en jure les dieux, s’il faut qu’il vous obtienne,
Rien ne peut empêcher sa perte que la mienne ;1130
Et peut-être tous deux, l’un par l’autre percés,
Nous vous ferons connoître à quoi vous nous forcez.

Aristie.

Je ne suis pas, Seigneur, d’une telle importance.
D’autres soins éteindront cette ardeur de vengeance ;
Ceux de vous agrandir vous porteront ailleurs, 1135
Où vous pourrez trouver quelques destins meilleurs ;
Ceux de servir Sylla, d’aimer son Émilie,
D’imprimer du respect à toute l’Italie,
De rendre à votre Rome un jour sa liberté,
Sauront tourner vos pas de quelque autre côté.1140
Surtout ce privilège acquis aux grandes âmes,
De changer à leur gré de maris et de femmes,
Mérite qu’on l’étale aux bouts de l’univers,
Pour en donner l’exemple à cent climats divers.

Pompée.

Ah ! C’en est trop, Madame, et de nouveau je jure…1145

Aristie.

Seigneur, les vérités font-elles quelque injure ?

Pompée.

Vous oubliez trop tôt que je suis votre époux.

  1. « La vôtre, etc., est un vers de Nicomède*, qui est bien plus à sa place dans Nicomède qu’ici, parce qu’il sied mieux à Nicomède de braver son frère, qu’à Pompée de braver sa femme. » (Voltaire)

    *. Nicomède dit à Attale (Acte I, scène ii, vers 139) :
    La place, à l’emporter, coûtera bien des têtes.
  2. Var. Rien ne l’en peut jamais assurer que ma mort. (1662-1668)