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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/450

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SERTORIUS.

Et malgré ces défauts, ce qui vous en plaisait,
C’étoit sa dignité, qui vous tyrannisait.
Le nom de général vous le rendait aimable ;
À vos rois, à moi-même il étoit préférable ;1710
Vous vous éblouissiez du titre et de l’emploi ;
Et je viens vous offrir et l’un et l’autre en moi,
Avec des qualités où votre âme hautaine
Trouvera mieux de quoi mériter une reine.
Un Romain qui commande et sort du sang des rois1715
(je laisse l’âge à part) peut espérer son choix,
Surtout quand d’un affront son amour l’a vengée,
Et que d’un choix abjet[1] son bras l’a dégagée.

Aristie.

Après t’être immolé chez toi ton général,
Toi, que faisoit trembler l’ombre d’un tel rival,1720
Lâche, tu viens ici braver encor des femmes,
Vanter insolemment tes détestables flammes,
T’emparer d’une reine en son propre palais,
Et demander sa main pour prix de tes forfaits !
Crains les Dieux, scélérat ; crains les Dieux, ou Pompée ;1725
Crains leur haine, ou son bras, leur foudre, ou son épée ;
Et quelque noir orgueil qui te puisse aveugler,
Apprends qu’il m’aime encore, et commence à trembler.
Tu le verras, méchant, plus tôt que tu ne penses :
Attends, attends de lui tes dignes récompenses.1730

Perpenna.

S’il en croit votre ardeur, je suis sûr du trépas ;
Mais peut-être, Madame, il ne l’en croira pas ;
Et quand il me verra commander une armée,
Contre lui tant de fois à vaincre accoutumée,
Il se rendra facile à conclure une paix1735
Qui faisait dès tantôt ses plus ardents souhaits.

  1. Voyez tome I, p 169, note 1.