Vous souvient-il encor de qui vous le[1] tenez ?
De vos bontés, Madame.
De faire en ma faveur outrage à ma patrie.
Un autre avoit le choix de mon père et le mien ;
Elle seule pour vous rompit ce doux lien.
Je brûlois d’un beau feu, je promis de l’éteindre ;
J’ai tenu ma parole, et j’ai su m’y contraindre.
Mais vous ne tenez pas, Seigneur, à vos amis
Ce qu’acceptant leur don vous leur avez promis ;
Et pour ne pas user vers vous d’un mot trop rude,
Vous montrez pour Carthage un peu d’ingratitude.
Quoi ? vous qui lui devez ce bonheur de vos jours,
Vous que mon hyménée engage à son secours,
Vous que votre serment attache à sa défense[2],
Vous manquez de parole et de reconnoissance,
Et pour remercîment de me voir en vos mains,
Vous la livrez vous-même en celles des Romains[3] !
Vous brisez le pouvoir dont vous m’avez reçue,
Et je serai le prix d’une amitié rompue,
Moi qui pour en étreindre[4] à jamais les grands nœuds,
Ai d’un amour si juste éteint les plus beaux feux !
- ↑ L’édition de 1692 a changé le en les.
- ↑ Quand Syphax épousa Sophonisbe, les Carthaginois et lui se lièrent par des engagements réciproques et se promirent, sous la foi du serment, d’avoir les memes amis et les mêmes ennemis : data ultro citroque fide, eosdem amicos inimicosque habituros (Tite Live, livre XXIX, chapitre xxiii.)
- ↑ Dans les éditions de Thomas Corneille et de Voltaire, il y a celle, au singulier : « en celle des Romains. »
- ↑ Les impressions de 1668 et de 1682 ont ici l’une et l’autre la même faute typographique : éteindre, pour étreindre.