Ma gloire est d’éviter les fers que vous portez,
D’éviter le triomphe où vous vous soumettez :
Ma naissance ne voit que cette honte à craindre.
Enfin détrompez-vous, il siéroit mal de feindre :
Je suis à Massinisse, et le peuple en ces lieux
Vient de voir notre hymen à la face des Dieux ;
Nous sortons de leur temple.
Syphax
Ah ! que m’osez-vous dire ?
Sophonisbe
Que Rome sur mes jours n’aura jamais d’empire.
J’ai su m’en affranchir par une autre union ;
Et vous suivrez sans moi le char de Scipion.
Syphax
Le croirai-je, grands Dieux ! et le voudra-t-on croire,
Alors que l’avenir en apprendra l’histoire ?
Sophonisbe servie avec tant de respect,
Elle que j’adorai dès le premier aspect,
Qui s’est vue à toute heure et partout obéie,
Insulte lâchement à ma gloire trahie,
Met le comble à mes maux par sa déloyauté,
Et d’un crime si noir fait encor vanité !
Sophonisbe
Le crime n’est pas grand d’avoir l’âme assez haute
Pour conserver un rang que le destin vous ôte :
Ce n’est point un honneur qui rebute en deux jours ;
Et qui règne un moment aime à régner toujours :
Mais si l’essai du trône en fait durer l’envie
Dans l’âme la plus haute à l’égal de la vie,
Un roi né pour la gloire, et digne de son sort,
À la honte des fers sait préférer la mort ;
Et vous m’aviez promis en partant…
Syphax