Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/614

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En déracineroit et haine et jalousie.
Le pouvoir de tous trois, par tous trois affermi,
580Auroit pour nœud commun son gendre en votre ami :
Et quoi que contre vous il osât entreprendre…

LACUS.

Vous seriez mon ami, mais vous seriez son gendre ;
Et c’est un faible appui des intérêts de cour
Qu’une vieille amitié contre un nouvel amour.
585Quoi que veuille exiger une femme adorée,
La résistance est vaine ou de peu de durée ;
Elle choisit ses temps, et les choisit si bien,
Qu’on se voit hors d’état de lui refuser rien.
Vous-même êtes-vous sûr que ce nœud la retienne
590D’ajouter, s’il le faut, votre perte à la mienne ?
Apprenez que des cœurs séparés à regret
Trouvent de se rejoindre aisément le secret.
Othon n’a pas pour elle éteint toutes ses flammes[1] ;
Il sait comme aux maris on arrache les femmes ;
595Cet art sur son exemple est commun aujourd’hui,
Et son maître Néron l’avait appris de lui.
Après tout, je me trompe, ou près de cette belle…

MARTIAN.

J’espère en Vinius, si je n’espère en elle ;
Et l’offre pour Othon de lui donner ma voix
600Soudain en ma faveur emportera son choix.

LACUS.

Quoi ? vous nous donneriez vous-même Othon pour maître ?

MARTIAN.

Et quel autre dans Rome est plus digne de l’être ?

LACUS.

Ah ! pour en être digne, il l’est, et plus que tous ;
Mais aussi, pour tout dire, il en sait trop pour nous.

  1. L’édition de 1682 porte les flammes, pour ses flammes.