Il étoit sous Néron de toutes ses délices ;
Et la Lusitanie a vu ce même Othon
Gouverner en César et juger en Caton[1].
Tout favori dans Rome, et tout maître en province,
De lâche courtisan il s’y montra grand prince ;
Et son âme ployant[2], attendant l’avenir,
Sait faire également sa cour, et la tenir.
Sous un tel souverain nous sommes peu de chose ;
Son soin jamais sur nous tout à fait ne repose :
Sa main seule départ ses libéralités ;
Son choix seul distribue États et dignités.
Du timon qu’il embrasse il se fait le seul guide[3],
Consulte et résout seul, écoute et seul décide,
Et quoique nos emplois puissent faire du bruit[4],
Sitôt qu’il nous veut perdre, un coup d’œil nous détruit.
Voyez d’ailleurs Galba, quel pouvoir il nous laisse,
En quel poste sous lui nous a mis sa foiblesse,
Nos ordres règlent tout, nous donnons, retranchons ;
Rien n’est exécuté dès que nous l’empêchons :
Comme par un de nous il faut que tout s’obtienne,
Nous voyons notre cour plus grosse que la sienne ;
- ↑ « Le portrait d’Othon est très-beau dans cette scène. Il est permis à un auteur dramatique d’ajouter des traits aux caractères qu’il dépeint et d’aller plus loin que l’histoire. Tacite dit d’Othon : Pueritiam incuriose, adolescentiam petulanter egerat, gratus Neroni æmulatione luxus… In provinciam… specie legationis seposuit… Comiter administrata provincia(a). Son enfance fut paresseuse, sa jeunesse débauchée ; il plut à Néron en imitant ses vices et son luxe. (Voltaire.) »
(a). Histoires, livre I, chapitre xiii. - ↑ On lit ainsi ployant, sans accord, dans les éditions de 1668, de 1682 et de 1692. L’édition originale, que Voltaire a suivie, donne ployante.
- ↑ Voyez ci-dessus, p. 567 et 568.
- ↑ Tel est le texte de toutes les anciennes éditions, y compris celle de 1692. Voltaire a ainsi donné ce vers :
Et quoi que nos emplois puissent faire de bruit.