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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/623

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ACTE III, SCÈNE I.

Les défera d’Othon, qui les peut détrôner.

CAMILLE.

Ô Dieux ! que je le plains !

ALBIANE.

Ô Dieux ! que je le plains !Il est sans doute à plaindre,
Si vous l’abandonnez à tout ce qu’il doit craindre ;
775Mais comme enfin la mort finira son ennui,
Je crains fort de vous voir plus à plaindre que lui.

CAMILLE.

L’hymen sur un époux donne quelque puissance.

ALBIANE.

Octavie a péri sur cette confiance.
Son sang qui fume encor vous montre à quel destin
780Peut exposer vos jours[1] un nouveau Tigellin[2].
Ce grand choix vous en donne à craindre deux ensemble ;
Et pour moi, plus j’y songe, et plus pour vous je tremble.

CAMILLE.

Quel remède, Albiane ?

ALBIANE.

Quel remède, Albiane ?Aimer, et faire voir…

CAMILLE.

Que l’amour est sur moi plus fort que le devoir ?

ALBIANE.

785Songez moins à Galba qu’à Lacus, qui vous brave,
Et qui vous fait encor braver par un esclave.
Songez à vos périls, et peut-être à son tour
Ce devoir passera du côté de l’amour.
Bien que nous devions tout aux puissances suprêmes,
790Madame, nous devons quelque chose à nous-mêmes ;
Surtout quand nous voyons des ordres dangereux,

  1. L’édition de 1666 porte un jour, pour vos jours.
  2. Sophonius Tigellinus, favori de Néron. Nous le voyons dans les Annales de Tacite (livre XIV, chapitre lx) presser les femmes d’Octavie, que Poppée veut perdre, de calomnier leur maîtresse. Othon, devenu empereur, lui envoya l’ordre de mourir, et il se coupa la gorge.