Cet effort merveilleux est de telle nature[1],
Qu’il ne sauroit partir d’une source plus pure ;
Et la plus noble enfin des belles passions
Ne peut faire de tache aux grandes actions.
Comte, ce qu’elle jette à tes yeux de poussière
Pour voir ce que tu fais les laisse sans lumière.
À ces conditions rendre un sceptre conquis,
C’est asservir la mère en couronnant le fils ;
Et pour en bien parler, ce n’est pas tant le rendre,
Qu’au prix de mon honneur indignement le vendre.
Ta gloire en pourroit croître, et tu le veux ainsi ;
Mais l’éclat de la mienne en seroit obscurci.
Quel que soit ton amour, quel que soit ton mérite,
La défaite et la mort de mon cher Pertharite,
D’un sanglant caractère ébauchant tes hauts faits,
Les peignent à mes yeux comme autant de forfaits ;
Et ne pouvant les voir que d’un œil d’ennemie,
Je n’y puis prendre part sans entière infamie.
Ce sont des sentiments que je ne puis trahir :
Je te dois estimer, mais je te dois haïr ;
Je dois agir en veuve autant qu’en magnanime,
Et porter cette haine aussi loin que l’estime.
Pour des crimes qui seuls m’ont fait digne de vous :
Par eux seuls ma valeur en tête d’une armée
À des plus grands héros atteint la renommée ;
Par eux seuls j’ai vaincu, par eux seuls j’ai régné,
Par eux seuls ma justice a tant de cœurs gagné[2],