Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/630

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Quand il ne sera plus un mari nécessaire ;
935Et son amour pour moi sera plus assuré,
S’il voit à quels rivaux je l’aurai préféré.

GALBA.

Ce long raisonnement dans sa délicatesse
À vos tendres respects mêle beaucoup d’adresse.
Si le refus n’est juste, il est doux et civil.
940Parlez donc, et sans feinte, Othon vous plairoit-il ?
On me l’a proposé, qu’y trouvez-vous à dire ?

CAMILLE.

L’avez-vous cru d’abord indigne de l’empire,
Seigneur ?

GALBA.

Seigneur ? Non ; mais depuis, consultant ma raison,
J’ai trouvé qu’il falloit lui préférer Pison.
945Sa vertu, plus solide et toute inébranlable,
Nous fera, comme Auguste, un siècle incomparable,
Où l’autre, par Néron dans le vice abîmé,
Ramènera ce luxe[1] où sa main l’a formé[2],
Et tous les attentats de l’infâme licence
950Dont il osa souiller la suprême puissance.

CAMILLE.

Othon près d’un tel maître a su se ménager,
Jusqu’à ce que le temps ait pu l’en dégager.
Qui sait faire sa cour se fait aux mœurs du prince ;
Mais il fut tout à soi quand il fut en province ;
955Et sa haute vertu par d’illustres effets
Y dissipa soudain ces vices contrefaits.
Chaque jour a sous vous grossi sa renommée ;
Mais Pison n’eut jamais de charge ni d’armée ;
Et comme il a vécu jusqu’ici sans emploi[3],

  1. On lit le luxe, et non ce luxe, dans l’édition de 1692.
  2. Voyez plus haut, vers 606, p. 601, et la note.
  3. Galba dit à Pison dans le discours plusieurs fois cité (chapitre xv),