Aller au contenu

Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/112

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
100
ATTILA.

Qu’il semble avoir, en bonne foi,
Été grand ministre ou grand roi.
Tel enfin est ce grand ouvrage
Qu’il ne se sent point de son âge,
Et que d’un roi des plus mal né
D’un héros qui saigne du nez,
Il a fait, malgré les critiques,
Le plus beau de ses dramatiques.
Mais on peut dire aussi cela
Qu’après lui le même Attila
Est, par le sieur la Thorillère,
Représenté d’une manière
Qu’il donne l’âme à ce tableau
Qu’en a fait son parlant pinceau.
Toute la compagnie au reste(La troupe du Roi, au
Ses beaux talents y manifeste,Palais-Royal.)
Et chacun selon son emploi
Se montre digne d’être au Roi.
Bref les acteurs et les actrices
De plus d’un sens font les délices
Par leurs attraits, et leurs habits,
Qui ne sont pas d’un petit prix ;
Et mêmes une confidente(Mlle Molière[1].)
N’y paroît pas la moins charmante,
Et maint, le cas est évident,
Voudroit en être confident.
Sur cet avis, qui vaut l’affiche,
Voyez demain si je vous triche.

La Thorillière père, d’après ce qu’on sait de son genre de talent[2], était loin de posséder l’énergie sauvage qui eût été nécessaire pour remplir dignement le rôle d’Attila ; toutefois, un des plus grands admirateurs de Corneille, Saint-Évremont, raisonnant à ce sujet de la façon la plus surprenante, s’applaudissait de ce que son poëte de prédilection avait rencontré un aussi médiocre interprète. Il écrivait à M. de Lyonne : « À peine ai-je eu le loisir de jeter les yeux sur Andromaque et sur Attila ; cependant il me paraît qqu’Andromaque a bien

  1. C’est-à-dire Armande Béjart, femme de Molière, qui remplissait le rôle de Flavie.
  2. Voyez le Mazurier, Galerie historique du théâtre français, tome I, p. 543