l’air des belles choses… Vous avez raison de dire que cette pièce est déchue par la mort de Montfleury ; car elle avoit besoin de grands comédiens pour remplir, par l’action, ce qui lui manque. Attila, au contraire, a dû gagner quelque chose à la mort de cet acteur ; un grand comédien eût trop poussé un rôle assez plein de lui-même, et eût fait faire trop d’impression à sa férocité sur les âmes tendres. »
Le registre de Lagrange constate que la pièce eut vingt représentations consécutives et trois autres encore dans la même année : c’était, pour le temps, un véritable succès. Cela n’empêcha point Boileau de faire cette épigramme si connue, si facile à retenir :
Après l’Agésilas,
Hélas !
Mais après l’Attila,
Holà !
qui est devenue dans la bouche de bien des amateurs, et même de beaucoup de critiques, une réponse sans réplique, une de ces fins de non-recevoir aussi décisives que le Tarte à la Crème du marquis dans la Critique de l’École des femmes.
Les faiseurs d’ana, qui aiment à exagérer les distractions et la naïveté des hommes de génie, prétendent que ces vers ne blessèrent nullement l’amour-propre, pourtant fort susceptible, du poëte contre lequel ils étaient dirigés. « Corneille s’y méprit lui-même, dit Monchesnay[1], et les tourna à son avantage, comme si l’auteur avoit voulu dire que la première de ces pièces excitoit parfaitement la pitié, et que l’autre étoit le non plus ultra de la tragédie. »
On comprendrait mieux que Corneille eût effectivement pris le change sur le passage suivant de la neuvième satire, où la critique est plus indirecte et mieux déguisée :
Tous les jours à la cour un sot de qualité
Peut juger de travers avec impunité ;
À Malherbe, à Racan, préférer Théophile,
Et le clinquant du Tasse à tout l’or de Virgile.
Un clerc, pour quinze sous, sans craindre le holà,
Peut aller au parterre attaquer Attila,
- ↑ Bolæana, 1742, in-12, p. 40 et 41.