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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/114

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ATTILA.

Et si le roi des Huns ne lui charme l’oreille,
Traiter de Visigoths tous les vers de Corneille.

Ce dernier vers nous indique, si je ne me trompe, un point qui choquait tout particulièrement Boileau dans Attila : je veux dire le choix des noms propres, choix si important à ses yeux et au sujet duquel il disait quelque temps après dans l’Art poétique (chant III, vers 243 et 244) :
D’un seul nom quelquefois le son dur ou bizarre
Rend un poëme entier ou burlesque ou barbare ;
et Voltaire était bien du même avis lorsqu’il écrivait dans la Préface que nous avons déjà citée : « Corneille, dans sa tragédie d’Attila, fait paraître Hildione, une princesse sœur d’un prétendu roi de France ; elle s’appelait Hildecone à la preemière représentation ; on changea ensuite ce nom ridicule[1]. » Qu’eût-ce été si Corneille, au lieu d’adopter à peu près, en le francisant, le nom d’Ildico, qui lui était donné par Priscus et Jornandès[2], eût connu les traditions du Nord et choisi les formes plus pures de Hiltgund, Hiltegunt, « Hildegonde, » qu’elles nous ont conservées[3] ?

Le privilège d’Attila avait été accordé à Guillaume de Luyne « le 25e jour de novembre 1666, » ce qui fait penser qu’à cette époque cette pièce était déjà composée. L’Achevé d’imprimer est du « vingtième novembre 1667, » et néanmoins, suivant un usage aujourd’hui général dans la librairie, et qui, on le voit, était déjà suivi dès cette époque, le frontispice de l’édition originale porte la date de 1668.

Le titre de l’ouvrage est ainsi conçu : Attila, roy des Hvns, tragédie par P. Corneille. À Paris, Guillaume de Luyne, Libraire Iuré, au Palais. M.DC.LXVIII. Le volume, de format in-12, se composse de 4 feuillets et de 78 pages. Le libraire de Luyne avait fait part de son privilège à Thomas Jolly et à Billaine. Nous avons sous les yeux un exemplaire dont le titre, à l’adresse de Jolly, porte T. (au lieu de P.) Corneille.


  1. Préface d’Attila, p. 7 et 8. Le nom est Ildione dans Corneille.
  2. Voyez Jornandès, de Getarnm origine et rebus gestis, chapitre xlix. Jornandès s’appuie sur l’autorité de Priscus.
  3. Voyez Histoire d’Attila… par M. Amédée Thierry, 1856, tome 1, p. 226, et tome II, p. 307 et suivantes.