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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/132

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ATTILA.

Ou de l’une des deux ménagez un refus,
Afin que nous puissions en cette conjoncture
À son aversion imputer la rupture.
Employez-y tous deux ce zèle et cette ardeur
Que vous dites avoir tous deux pour ma grandeur :300
J’en croirai les efforts qu’on fera pour me plaire,
Et veux bien jusque-là suspendre ma colère.


Scène III.

ARDARIC, VALAMIR.
ARDARIC.

En serons-nous toujours les malheureux objets ?
Et verrons-nous toujours qu’il nous traite en sujets ?

VALAMIR.

Fermons les yeux, Seigneur, sur de telles disgrâces :305
Le ciel en doit un jour effacer jusqu’aux traces ;
Mes devins me l’ont dit ; et s’il en est besoin,
Je dirai que ce jour peut-être n’est pas loin :
Ils en ont, disent-ils, un assuré présage.
Je vous confierai plus : ils m’ont dit davantage,310
Et qu’un Théodoric qui doit sortir de moi
Commandera dans Rome, et s’en fera le roi[1],
Et c’est ce qui m’oblige à parler pour la France,
À presser Attila d’en choisir l’alliance,
D’épouser Ildione, afin que par ce choix315
Il laisse à mon hymen Honorie et ses droits.
Ne vous opposez plus aux grandeurs d’Ildione,
Souffrez en ma faveur qu’elle monte à ce trône ;
Et si jamais pour vous je puis en faire autant…

  1. Théodoric, roi des Ostrogoths, né en 455, qui en 493 se fit reconnaître roi d’Italie par l’empereur Anastase, était fils de Theodemir, frère et successeur de Valamir.