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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/136

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ATTILA.

Punit son parricide, et chaque jour vient faire
Un tribut étonnant à celui de ce frère :
Suivant même qu’il a plus ou moins de courroux,
Ce sang forme un supplice ou plus rude ou plus doux,
S’ouvre une plus féconde ou plus stérile veine ;385
Et chaque emportement porte avec lui sa peine.

HONORIE.

Que me sert donc qu’on m’aime, et pourquoi m’engager
À souffrir un amour qui ne peut me venger ?
L’insolent Attila me donne une rivale ;
Par ce choix qu’il balance il la fait mon égale ;390
Et quand pour l’en punir je crois prendre un grand roi,
Je ne prends qu’un grand nom qui ne peut rien pour moi.
Juge que de chagrins au cœur d’une princesse
Qui hait également l’orgueil et la foiblesse ;
Et de quel œil je puis regarder un amant395
Qui n’aura que pitié de mon ressentiment,
Qui ne saura qu’aimer, et dont tout le service
Ne m’assure aucun bras à me faire justice.
Jusqu’à Rome Attila m’envoie offrir sa foi[1],
Pour douter dans son camp entre Ildione et moi.400
Hélas ! Flavie, hélas ! si ce doute m’offense,
Que doit faire une indigne et haute préférence ?
Et n’est-ce pas alors le dernier des malheurs
Qu’un éclat impuissant d’inutiles douleurs ?

FLAVIE.

Prévenez-le, Madame ; et montrez à sa honte405
Combien de tant d’orgueil vous faites peu de conte[2].

HONORIE.

La bravade est aisée, un mot est bientôt dit :

  1. Voyez ci-dessus, p. 104, note 1.
  2. Malgré la rime, on lit ici compte, et non pas conte, dans l’édition de 1692. Il en est de même au vers 1001 (acte III, scène iv). Plus loin, dans le courant du vers 737 (acte III, scène i), l’édition originale porte comte, et les recueils de 1668, de 1682 et de 1692, compte.