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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/144

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ATTILA.

Semer par ses périls l’effroi de toutes parts,
Bouleverser les murs d’un seul de ses regards,
Et sur l’orgueil brisé des plus superbes têtes
De sa course rapide entasser les conquêtes[1].
Ne me commandez point de peindre un si grand roi :575
Ce que j’en ai vu passe un homme tel que moi ;
Mais je ne puis, Seigneur, m’empêcher de vous dire
Combien son jeune prince est digne qu’on l’admire.
Il montre un cœur si haut sous un front délicat
Que dans son premier lustre il est déjà soldat :580
Le corps attend les ans, mais l’âme est toute prête.
D’un gros de cavaliers il se met à la tête,
Et l’épée à la main, anime l’escadron
Qu’enorgueillit l’honneur de marcher sous son nom.
Tout ce qu’a d’éclatant la majesté du père,585
Tout ce qu’ont de charmant les grâces de la mère,
Tout brille sur ce front, dont l’aimable fierté
Porte empreints et ce charme et cette majesté[2].
L’amour et le respect qu’un si jeune mérite…
Mais la Princesse vient, Seigneur, et je vous quitte.590

  1. Il nous paraît à peu près certain que Corneille a composé postérieurement à la représentation, qui avait eu lieu, comme nous l’avons dit, au mois de mars 1667, ces vers où il fait évidemment allusion à la campagne de Flandre, et aux récentes conquêtes de Louis XIV, qui prit en personne, en juin, juillet et août 1667, les villes de Tournai, de Douai, de Lille. Au siège de cette dernière place, il s’exposa tellement que Turenne menaça de se retirer s’il ne se ménageait davantage. L’impression de la pièce, nous l’avons dit aussi, ne fut achevée que vers la fin de novembre 1667.
  2. Ici encoie le poète a en vue les exercices militaires de l’année 1666. Robinet, le continuateur de la Muse historique de Loret, raconte, dans sa Lettre à Madame du 14 février, que le lundi 8, « proche Conflans, dans la
    plaine, » le Roi fit la revue

    Des troupes de son cher Dauphin…
    Qui déjà l’amant de Belloue,
    En ce lieu parut en personne
    Dessus un petit Bucéphal, etc.

    La Gazette, dans les numéros du 8 mai et du 10 juillet, parle de deux autres revues où le Dauphin figura soit à la tête de son régiment, soit à la tête de sa compagnie.