Aller au contenu

Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/146

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
134
ATTILA.

Et victime d’État, je dois sans reculer
Attendre aveuglément qu’on me daigne immoler.

ARDARIC,

Attendre qu’Attila, l’objet de votre haine,
Daigne vous immoler à la fierté romaine ?

ILDIONE.

Qu’un pareil sacrifice auroit pour moi d’appas !615
Et que je souffrirai s’il ne s’y résout pas !

ARDARIC.

Qu’il seroit glorieux de le faire vous-même,
D’en épargner la honte à votre diadème !
J’entends celui des Francs, qu’au lieu de maintenir…

ILDIONE.

C’est à mon frère alors de venger et punir :620
Mais ce n’est point à moi de rompre une alliance
Dont il vient d’attacher vos Huns avec sa France,
Et me faire par là du gage de la paix
Le flambeau d’une guerre à ne finir jamais.
Il faut qu’Attila parle ; et puisse être Honorie625
La plus considérée, ou moi la moins chérie !
Puisse-t-il se résoudre à me manquer de foi !
C’est tout ce que je puis et pour vous et pour moi.
S’il vous faut des souhaits, je n’en suis point avare ;
S’il vous faut des regrets, tout mon cœur s’y prépare,630
Et veut bien…

ARDARIC.

Et veut bien…Que feront d’inutiles souhaits
Que laisser à tous deux d’inutiles regrets ?
Pouvez-vous espérer qu’Attila vous dédaigne ?

ILDIONE.

Rome est encor puissante, il se peut qu’il la craigne.

ARDARIC.

À moins que pour appui Rome n’ait vos froideurs,635
Vos yeux l’emporteront sur toutes ses grandeurs :