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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/147

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ACTE II, SCÈNE VI.

Je le sens en moi-même, et ne vois point d’empire
Qu’en mon cœur d’un regard ils ne puissent détruire.
Armez-les de rigueurs, Madame, et par pitié
D’un charme si funeste ôtez-leur la moitié :640
C’en sera trop encore, et pour peu qu’ils éclatent,
Il n’est aucun espoir dont mes désirs se flattent.
Faites donc davantage : allez jusqu’au refus,
Ou croyez qu’Ardaric déjà n’espère plus.
Qu’il ne vit déjà plus, et que votre hyménée645
A déjà par vos mains tranché sa destinée.

ILDIONE.

Ai-je si peu de part en de tels déplaisirs,
Que pour m’y voir en prendre il faille vos soupirs ?
Me voulez-vous forcer à la honte des larmes ?

ARDARIC.

Si contre tant de maux vous m’enviez leurs charmes,650
Faites quelque autre grâce à mes sens alarmés,
Madame, et pour le moins dites que vous m’aimez.

ILDIONE.

Ne vouloir pas m’en croire à moins d’un mot si rude,
C’est pour une belle âme un peu d’ingratitude.
De quelques traits pour vous que mon cœur soit frappé,655
Ce grand mot jusqu’ici ne m’est point échappé ;
Mais haïr un rival, endurer d’être aimée,
Comme vous de ce choix avoir l’âme alarmée,
À votre espoir flottant donner tous mes souhaits,
À votre espoir déçu donner tous mes regrets,660
N’est-ce point dire trop ce qui sied mal à dire ?

ARDARIC.

Mais vous épouserez Attila.

ILDIONE.

Mais vous épouserez Attila.J’en soupire,
Et mon cœur…