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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/166

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ATTILA.
OCTAR.

La mort d’Aétius et vos droits sur l’empire.
Il croit s’en voir par là les chemins aplanis ;
Et tous autres souhaits de son cœur sont bannis.
Il aime à conquérir, mais il hait les batailles :
Il veut que son nom seul renverse les murailles[1] ;1110
Et plus grand politique encor que grand guerrier,
Il tient que les combats sentent l’aventurier[2].
Il veut que de ses gens le déluge effroyable
Atterre impunément les peuples qu’il accable ;
Et prodigue de sang, il épargne celui1115
Que tant de combattants exposeroient pour lui.
Ainsi n’espérez pas que jamais il relâche,
Que jamais il renonce à ce choix qui vous fâche.
Si pourtant je vois jour à plus que je n’attends,
Madame, assurez-vous que je prendrai mon temps.1120


Scène II.

HONORIE, FLAVIE.
FLAVIE.

Ne vous êtes-vous point un peu trop déclarée,
Madame ? et le chagrin de vous voir préférée
Etouffe-t-il la peur que marquoient vos discours
De rendre hommage au sang d’un roi de quatre jours ?

HONORIE.

Je te l’avois bien dit, que mon âme incertaine1125
De tous les deux côtés attendoit même gêne,
Flavie ; et de deux maux qu’on craint également
Celui qui nous arrive est toujours le plus grand,

  1. C’est la hâblerie du Matamore prise au sérieux. Voyez l’Illusion comique, vers 233 (tome II, p. 447)
  2. Bellorum quidem amator, sed ipse manu temperans. (Jornandès, de Getarum rebus gestis, chapitre xxxv.) Voyez ci-dessus, p. 103 et la note 3.