Souffrez-en de pareils, ou rendez-lui son prix.
A quel droit voulez-vous qu’un tel manque d’estime,
S’il est gloire pour elle, en moi devienne un crime ;
Qu’après que nos refus ont tous deux éclaté,
Le mien soit punissable où le sien est flatté ;
Qu’elle brave à vos yeux ce qu’il faut que je craigne,
Et qu’elle me condamne à ce qu’elle dédaigne ?
Pour vous justifier mes ordres et mes vœux,
Je croyois qu’il suffît d’un simple : « Je le veux ; »
Mais voyez, puisqu’il faut mettre tout en balance,
D’Ildione et de vous qui m’oblige ou m’offense.
Quand son refus me sert, le vôtre me trahit ;
Il veut me commander, quand le sien m’ obéit :
L’un est plein de respect, l’autre est gonflé d’audace ;
Le vôtre me fait honte, et le sien me fait grâce.
Faut-il après cela qu’aux dépens de son sang
Je mérite l’honneur de vous mettre en mon rang ?
Ne peut-on se venger à moins qu’on assassine[1] ?
Je ne veux point sa mort, ni même sa ruine :
11 est des châtiments plus justes et plus doux,
Qui l’empêcheroient mieux de triompher de nous.
Je dis de nous, Seigneur, car l’offense est commune.
Et ce que vous m’offrez des deux n’en feroit qu’une.
Ildione, pour prix de son manque de foi,
Dispose arrogamment et de vous et de moi !
Pour prix de la hauteur dont elle m’a bravée,
À son heureux amant sa main est réservée,
Avec qui, satisfaite, elle goûte l’appas
- ↑ Tel est le texte de toutes les éditions anciennes, et même encore de celle de Voltaire (1764). Il est conforme à l’usage ordinaire de Corneille. Dans des éditions modernes on a ajouté ne : « à moins qu’on n’assassine. » Voyez le Lexique.