Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/243

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730Ce me doit être assez d’un de vos affranchis ;
Et si votre empereur suit les traces des autres,
Il suffit d’un tel sort pour relever les nôtres[1].
Mais changeons de discours, et me dites, Seigneur,
Par quel ordre aujourd’hui vous m’offrez votre cœur.
735Est-ce pour obliger ou Domitie ou Tite ?
N’ose-t-il me quitter à moins que je le quitte ?
Et peut-il à son rang si peu se confier,
Qu’il veuille mon exemple à se justifier ?
Me donne-t-il à vous alors qu’il m’abandonne ?

DOMITIAN.

740Il vous respecte trop : c’est à vous qu’il me donne,
Et me fait la justice, en m’enlevant mon bien,
De vouloir que je tâche à m’enrichir du sien ;
Mais à peine il le veut, qu’il craint pour moi la haine
Que Rome concevroit pour l’époux d’une reine.
745C’est à vous de juger d’où part ce sentiment.
En vain, par politique, il fait ailleurs l’amant ;
Il s’y réduit en vain par grandeur de courage :
À ces fausses clartés opposez quelque ombrage ;
Et je renonce au jour, s’il ne revient à vous,
750Pour peu que vous penchiez à le rendre jaloux.

BÉRÉNICE.

Peut-être ; mais, Seigneur, croyez-vous Bérénice
D’un cœur à s’abaisser jusqu’à cet artifice,
Jusques à mendier lâchement le retour

  1. Allusion à l’affranchi Félix. L’affranchi Antonius Félix, que d’autres nomment Claudius Félix, fut procurateur de Judée sous les empereurs Claude et Néron. Suétone (Vie de Claude, chapitre xxviii) l’appelle trium reginarum maritum. Il épousa successivement Drusilla, petite-fille d’Antoine et de Cléopâtre, et une autre Drusilla, fille du roi Hérode Agrippa. Sa troisième femme est inconnue. — Racine parle aussi de l’affranchi Félix, dans sa Bérénice (acte II, scène II) :
    De l’affranchi Pallas nous avons vu le frère,
    Des fers de Claudius Félix encor flétri,
    De deux reines, Seigneur, devenir le mari ;
    Et s’il faut jusqu’au bout que je vous obéisse,
    Ces deux reines étoient du sang de Bérénice.
    L’une des deux Drusille que Félix épousa était sœur de Bérénice.