Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/246

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Si vous vouliez passer pour véritable amant,
Il falloit espérer jusqu’au dernier moment ;
Il vous falloit…

DOMITIAN.

795Il vous falloit…Eh bien ! puisqu’il faut que j’espère,
Madame, faites grâce à l’Empereur mon frère,
À la Reine, à vous-même enfin, si vous m’aimez
Autant qu’il le paroît à vos yeux alarmés.
Les scrupules d’État, qu’il falloit mieux combattre,
800Assez et trop longtemps nous ont gênés tous quatre :
Réunissez des cœurs de qui rompt l’union
Cette chimère en Tite, en vous l’ambition.
Vous trouverez au mien encor les mêmes flammes
Qui, dès que je vous vis, charmèrent nos deux âmes.
805Dès ce premier moment j’adorai vos appas ;
Dès ce premier moment je ne vous déplus pas.
Ai-je épargné depuis aucuns soins pour vous plaire ?
Est-ce un crime pour moi que l’aînesse d’un frère ?
Et faut-il m’accabler d’un éternel ennui
810Pour avoir vu le jour deux lustres après lui,
Comme si de mon choix il dépendoit de naître
Dans le temps qu’il falloit pour devenir son maître[1] ?
Au nom de votre amour et de ce digne amant,
Madame, qui vous aime encor si chèrement,
815Prenez quelque pitié d’un amant déplorable ;
Faites-la partager à cette inexorable ;
Dissipez la fierté d’une injuste rigueur.
Pour juge entre elle et moi je ne veux que son cœur.
Je vous laisse avec elle arbitre de ma vie.
820Adieu, Madame. Adieu, trop aimable ennemie.

  1. Thomas Corneille et Voltaire ajoutent ici : à Bérénice ; et au-dessus de la seconde phrase du vers 820, Voltaire seul : à Domitie.