Scène III.
Les intérêts du prince[1] avancent trop le mien
Pour vous oser, Madame, importuner de rien ;
Et l’incivilité de la moindre prière
Sembleroit vous presser de me rendre son frère.
Tout ce qu’en sa faveur je crois m’être permis,
Après qu’à votre cœur lui-même il s’est remis,
C’est de vous faire voir ce que hasarde une âme
Qui sacrifie au rang les douceurs de sa flamme,
Et quel long repentir suit ces nobles ardeurs
Qui soumettent l’amour à l’éclat des grandeurs.
Quand les choses, Madame, auront changé de face,
Je reviendrai savoir ce qu’il faut que je fasse,
Et demander votre ordre avec empressement
Sur le choix ou du prince ou de quelque autre amant.
Agréez cependant un respect qui m’amène
Vous rendre mes devoirs comme à ma souveraine ;
Car je n’ose douter que déjà l’Empereur
Ne vous ait redonné bonne part en son cœur.
Vous avez sur vos rois pris ce digne avantage
D’être ici la première à rendre un juste hommage[2] ;
Et pour vous imiter, je veux avoir le bien
D’être aussi la première à vous offrir le mien.
Cet exemple qu’aux rois vous donnez pour un homme,
J’aime pour une reine à le donner à Rome ;
Et plus il est nouveau, plus j’ai lieu d’espérer
Que de quelques bontés vous voudrez m’honorer.